Un grand lit coiffé d’une mousseline blanche, une douche et quelques lampes-tempête. Les nuits y sont immenses.


Camping à l’anglaise au Kenya

Les Anglais ont cette curieuse habitude de diner en smoking au coeur de la jungle et de servir du champagne frappé sous les baobabs. Résultat de cette bienséance sauvage : l’art de vivre dans les lodges.

La rivière Galana coule à l’est du Tsavo. Le jour, les éléphants viennent à l’eau ; la nuit, les hippos sortent de l’eau. Au-dessus du fleuve, il y a des oiseaux. Après les pluies, la rivière prend les teintes de la glaise. Quelques crocodiles se laissent glisser au fil du courant avec cette indifférence qui annonce les attaques brutales. Le camp de Galdessa se cache au milieu de nulle part derrière un rideau de palmiers doum. Les deux grandes cases au toit pointu où l’on a accumulé les tables épaisses, les sofas blancs et les fauteuils profonds sont largement ouvertes. En retrait, une dizaine de pavillons couverts de palmes semblent perdus dans une végétation brouillonne d’où émergent quelques immenses ficus agités par les sarabandes des babouins. Ce sont les chambres : un grand lit coiffé d’une mousseline blanche, une douche et quelques lampes-tempête. Les nuits y sont immenses. On s’endort avec les bruits de la brousse – les cris, les frôlements et les ricanements – on se réveille dans le silence du matin. Les Anglais ont inventé en Afrique le style si particulier des camps de chasse : un confort raffiné qu’il faut feindre d’ignorer. Ainsi, le temps passe à courir la brousse en quête de découvertes et d’émotions sauvages. Le soir, on dîne près de la rivière à la lumière des torches : couverts de fête et vins français.
Etape au Loisiba Wilderness Lodge. On saute d’un camp à l’autre à bord d’un Cessna, monomoteur rustique et robuste qui slalome dans les dépressions et se pose avec la grâce d’un papillon sur des pistes de latérite sommairement arrachées à la brousse. Le lodge noyé sous des cascades de Bougainvillées est planté à l’ombre du Mont Kenya sur le plateau de Laikipia. Au milieu d’un foisonnement sauvage. On compte des milliers de zèbres, toutes les espèces d’antilopes, des girafes, quelques grands koudous, des troupes de gnous bleus à barbe noire, des lions et encore des antilopes. Promenade en Land Roover au petit matin, un « game drive » doit-on dire. « Tembo » a lancé à voix basse le pisteur. La terre a tremblé. Une masse gris-ocre s’est dirigée vers un grand acacia parasol – à chaque pas un séisme – qu’elle a écartelé si vite que l’arbre eut à peine le temps de soupirer. L’éléphant arrache une branche comme on cueille une marguerite : avec délicatesse. La force tranquille d’une trompe est si parfaite qu’elle devient élégante. Il y a quelque chose de balinais dans ce geste, un balancement calculé et harmonieux. Le pachyderme n’était pas seul, il était venu en famille. Les arbres ont donc continué à craquer dans un froissement bruyant, les faîtes à s’agiter dans d’ultimes protestations. Dans ce parc, les troupeaux d’éléphants coulent des jours heureux, traversant à pas lents les hautes herbes, décrochant des branches vertes et pompant des hectolitres d’eau dans la rivière Ewaso Ng’Iro. Son seul prédateur – l’homme – le protège désormais.
Plus au sud, le camp de Shompole domine le lac Magadi au bord duquel Jean-Jacques Annaud tourna dans les années quatre-vingt les principales scènes de « La Guerre du Feu », une gentille histoire d’amour préhistorique. Ce décor n’était pas choisi par hasard. Chaque année, on trouve dans les couches fossiles de cette grande fracture quelques chaînons manquants de notre arbre généalogique. En 1959, Louis et Mary Leaky avaient découvert les ossements de l’Australopithecus Boisei, un hominien d’1,8 million d’années. Dans ce lodge délicieux, on a puisé l’eau dans les couches les plus profondes de la montagne pour la faire circuler d’un salon à l’autre en une multitude de ruisseaux féeriques. Au Kenya, le décor des camps a toujours des apparences excentriques.
Rassemblée dans la torpeur tropicale, l’accumulation du mauvais goût, d’un bric-à-brac indéfinissable et de teintes approximatives finit par distiller un certain enchantement et plonger dans le ravissement. Dehors, la Vallée du Rift est éblouissante, intacte. Le commencement du monde à perte de vue. Le lac Natron où se rassemblent d’immenses colonies de flamands roses – des millions d’oiseaux certaines années – s’étend au loin, mais en Tanzanie. De part et d’autre de la frontière, les pasteurs maasaï courent de ce pas bondissant qui leur donne la grâce des impalas. Ils ignorent cette ligne tracée en d’autres temps par la reine Victoria et l’empereur d’Allemagne. On les croise souvent – leurs troupeaux blancs, leurs campements de branches et de terre – dans les plaines vertes de la vallée. Où va donc ce peuple qui perd progressivement sa terre, ses chemins de migration et ses rites ? « Engaï ake Naiyiolo » (Dieu seul le sait) dit-on dans la langue maa.



La piscine du Shompole Lodge serpente dans la savane broussailleuse comme une oasis inattendue.


Renommées pour leur bijoux en perles, les femmes maasaï les portent en de grands et larges colliers multicolores qu'elles n'hésitent pas à superposer.


L’apparente rusticité de ces huttes couvertes de palmes est trompeuse. Le confort y est extrême.


Jeu de cornes, fruits secs de la brousse, le Galdessa Camp puise dans l'environnement les éléments de sa décoration.


La girafe Maasai se distingue de ses soeurs africaines par ses taches en forme de feuillage sur le corps.


C'est au bord du lac Magadi que Jean-Jacques Annaud tourna dans les années quatre-vingt les principales scènes du film La Guerre du Feu, une gentille histoire d’amour préhistorique.


Nuit sous les étoiles dans cette case du Loisiba Wilderness Lodge.


Le lac Natron où se rassemblent d’immenses colonies de flamands roses quand les eaux sont basses, s’étend au loin, mais en Tanzanie.


Comme les Maasaï, les Samburu construisent de petites maisons circulaires en utilisant des branchages entrecroisés recouverts de boue et de bouse de vache.


Etablis au centre du Kenya, les Samburu sont proches par leur langue et leur histoire des Maasaï auxquels ils sont souvent assimilés.


A la nuit tombée, les tentes s'enveloppent d'une gigantesque moustiquaire éclairée par des lampes-tempête. Le rêve commence.


Ce qu'on appelle ici le game drive est l'observation - au lever et au coucher du soleil - d'une faune qui sort de sa torpeur.


Le chameau est l'animal idéal pour traverser la savane en prenant de la hauteur.


Noyés dans la savane, les campements des Samburu sont protégés par une large ceinture d'épineux destinée à protéger le bétail des prédateurs.


Les eaux du Mont Kenya viennent alimenter la rivière Ewaso Ng'Iro qui zigzague à travers le Parc Loisiba.


Les méandres de la rivière Ewaso Ng'Iro sont bordés d'acacias et parsemés de buissons, d'herbes et de broussailles.


Tous les ingrédients de la civilisation - terrasse, piscine, salon - toisent fièrement une nature laissée à l'état sauvage.


L'hélicoptère n'est pas le moyen le plus écologique de parcourir les espaces sauvages mais il se veut une certaine idée du luxe.


Le goût pour les vêtements rouges des Maasaï et des Samburu rappelle l’utilisation plus traditionnelle de l’ocre.


Noyé sous des cascades de Bougainvillées, le Loisiba Wilderness Lodge est planté à l’ombre du Mont Kenya sur le plateau de Laikipia .


Les Anglais ont inventé en Afrique le style si particulier des camps de chasse : un confort raffiné.


On a accumulé les tables épaisses, les sofas blancs et les fauteuils profonds dans les deux grandes cases au toit pointu de Galdessa Camp.


Dans les salles de bain, on joue souvent la simplicité et les produits naturels.


Ce pont de liane relie les deux rives de la rivière Ewaso Ng'Iro sur lesquelles s'est établi le Loisiba Wilderness Lodge.


Le Shompole Lodge agrippé à la montagne domine l’un des plus beaux paysages de la vallée du Rift, huit tentes de luxe avec piscine privée.


Les Maasaï du Kenya maintiennent leurs traditions culturelles tout en prenant part au développement économique et politique du pays.


Tout ce que la savane abandonne - minéraux, végétaux, cornes et os - finissent sur les tables basses des lodges.


On saute d’un camp à l’autre à bord d’un Cessna, monomoteur rustique et robuste qui slalome dans les dépressions et se pose avec la grâce d’un papillon sur des pistes de latérite sommairement arrachées à la brousse.



 
J'y vais
Vols quotidiens Paris-Nairobi sur Air France à partir de 643 €. Voir aussi : Ethiad, Swiss, Bristish Airways.

Exclusif Voyages, spécialiste des voyages de luxe à la carte dans le monde entier, 165, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75001 Paris, tél.01 42 96 00 76, www.exclusifvoyages.com;
Voyages de luxe sur mesure au Kenya avec Le Voyage Création, www.levoyagecreation.fr;
Safari au Kenya “A la manière des pionniers” avec Terres de Charme, www.terresdecharme.com;
Voyages sur mesure au coeur de la nature avec Etendues Sauvages, 01 77 37 03 10, www.etendues-sauvages.com.

Les quatre vérités
La bonne période est la saison sèche qui s’étend de décembre à mars et de juillet à mi-octobre. Meilleur moment pour les amateurs de safari : la grande migration qui a lieu entre juin et septembre.
Pour louer une voiture, il faut avoir entre 23 et 70 ans ( !) et posséder un permis international. Conduire au Kenya demeure risqué en raison des attaques à mains armées. Il est conseillé de verrouiller son véhicule lorsqu’on roule et de ne pas conduire la nuit.
Le risque de paludisme existe toute l'année. Un traitement antipaludéen est très fortement recommandé.
La criminalité est très élevée et les vols avec violence, même de jour, ne sont pas rares. Inutile de s’attarder dans des grandes villes comme Nairobi.

Coups de cœur
Le Galdessa Camp dans le parc National du Tsavo Est, 8 bungalows au bord de la rivière Galana, www.galdessa.com
Le Loisaba Wilderness Lodge installé sur le plateau de Laikipia au nord du Mont Kenya, 7 chambres avec une terrasse privée donnant sur la savane, nuit à la belle étoile au Koija Starbeds, piscine, 2 restaurants et une large véranda, www.loisaba.com
Le Shompole Lodge agrippé à la montagne domine l’un des plus beaux paysages de la vallée du Rift, le Lac Natron et le Mont Shompole. Six luxueux lodges, construits en chaume et en pierre blanche, bien équipés : salon privé et salle de bains. Une piscine fait tout le tour du lodge. Les camps proposent de nombreuses activités : randonnées d’observation avec un guide maasaï, safari en 4x4 (game drive), ballades à dos de chameau ou à cheval, visite de villages. Saisissant survol en hélicoptère à Loisiba. www.makila.fr/hotels/495-shompole

Bon à savoir
Décalage horaire: + 2 heures en hiver par rapport à Paris ; + 1 heure en été.
Langues: L’anglais (langue officielle), le swahili (langue courante).
Visa: Le passeport - valide 6 mois après la date de retour - doit impérativement comporter deux pages vierges. Demande de visa à l’ambassade. Formulaire téléchargeable sur le site de l’Ambassade du Kenya. En outre, gouvernement kenyan a mis en place la possibilité d’obtenir le visa en ligne avec eVisa, evisa.go.ke
Renseignements: Office du Tourisme du Kenya, Tél : 01 53 25 12 07, www.magicalkenya.fr

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