Pendant des siècles, le Cap Horn marquait le passage entre les océans Pacifique et Atlantique, une route de navigation importante pour les voiliers. Il est connu comme le bout du monde. Pourtant, plus au sud, à une centaine de kilomètres se trouvent encore l'archipel Diego Ramirez et l'îlot Aguila, ultimes terres avant l'Antarctique.


Allez au Cap Horn, vous n’en reviendrez pas.

Découvert en 1616 par un navire hollandais, ce massif rocheux érodé et presque vertical de quatre cent vingt cinq mètres de hauteur s’est planté là pour arbitrer la rencontre de l’océan Atlantique avec le Pacifique. La compagnie chilienne Australis l’a mis au programme de sa croisière d’expédition.

Le Ventus Australis a jeté l’ancre à une petite encablure d’un gros rocher hostile. A la passerelle, on observe la météo. Le bateau se balance dans une houle profonde. Ici, on parle de brise. Sur le lac Léman, ce serait une tempête ; en Bretagne, du gros temps. Enfin, on a mis les zodiacs à la mer. Ils profitent d’une vague pour se poser sur une petite plage de galets au pied d’une haute falaise. Un escalier en bois accroché à la roche mène au sommet. Là, une claque de vent vous attend. Une vaste lande couverte de tourbe et d’herbes sauvages, des plantes qui n’ont pas peur des bourrasques et du sel. Et toujours des rafales intenses qui effacent même la mémoire des hommes. Plus loin, on aperçoit un phare, une maison et une chapelle. L'île est habitée. La Marine chilienne confie la surveillance du lieu à un sous-officier qui passe un an avec sa famille sur cette terre sauvage où les distractions sont rares. Sur un promontoire, un monument a été dressé à la mémoire des cap-horniers. Cette structure de sept mètres de hauteur, œuvre du sculpteur chilien José Balcells Eyquem, représente un cormoran. Elle est formée de cinq plaques d’acier capable de supporter des vents allant jusqu’à 200 km/h. On a inscrit sur une stèle de granit un poème de Sara Vial : « Je suis l’albatros qui t’attend, Au bout du monde. Je suis l’âme en peine des marins morts, Qui ont doublé le cap Horn ». Car, ces eaux sont un vaste cimetière marin. Dix mille marins ont péris au cours des siècles, engloutis par des vagues démesurées. Huit cents voiliers broyés, disloqués, anéantis reposent au fond de l’océan.
Le Ventus Australis est parti de Punta Arenas, encerclée de collines déboisées et tapissées de lupins en fleurs. Ici, tout s’est mêlé pour laminer la pointe extrême du continent sud-américain. Le vent, le froid, la glace et les pics décharnés des Andes. De la Patagonie à la Terre de Feu, un immense escalier s’en va mourir dans une mer peuplée d’icebergs. Magellan qui était Portugais et connaissant les terres arides puisqu’il était né dans le Tras-Os-Montes, avait été frappé par la taille des pieds des Indiens enveloppés de peaux de guanaco. Il les baptisa « patagon » (patte d’ours). Les Onas et les Yamanas qui étaient des navigateurs, occupaient la Terre de Feu. Une île puisqu’elle est séparée du continent par le détroit de Magellan. C’est en contemplant les milliers de feux allumés par les Indiens que le navigateur portugais lui donna ce nom.
Le bateau remonte les détroits, les canaux et les labyrinthes perdus. Il avance dans l’avenue des glaciers. L’un des plus spectaculaires est le glacier Garibaldi. Un immense vomissement blanc, impitoyable comme une coulée de lave. Mais sans fureur et sans bruit. Même les blocs de glace qui se détachent à intervalles réguliers – imaginez les falaises d’Etretat s’effondrant brutalement dans la Manche – glissent dans l’eau sans le vacarme qui devrait accompagner un pareil anéantissement. Juste un claquement sec - comme un coup de fusil au petit matin - et le grognement ouaté d’une déglutition. Depuis des millénaires, la montagne déverse ainsi un grand tapis blanc hérissé de cônes parfaits comme si la glace s’était moulée dans les entrailles de la terre.
Sur les îlots Tuckers, cohabitent des gorfous dorés avec leur aigrette jaune, des cormorans, des goélands et les terribles skuas au plumage marron, tueurs d’oisillons et voleurs d’œufs. Les manchots de Magellan vivent dans des terriers creusés dans le sable. Ils observent des règles sociales très élaborées : éducation des poussins, tours de garde, apprentissage de la natation et de la pêche.
Partout la nature est en état de résistance. Des pierres sans cœur et des cailloux sans âme. Une végétation de toundra où émergent des bataillons d’arbres blancs et secs. Même les arbustes que le Bon Dieu a mis là en se disant qu’ils avaient leur chance survivent comme des bonzaïs. Rabougris mais vigoureux, se mêlant parfois de donner au printemps de gentilles fleurs orange. Au pied des arbres torturés poussent aussi des graminées fragiles, des fleurs charnues, des corolles délicates auxquelles les botanistes ont vite donné un nom latin.
Halte dans la baie Wulaia située sur la côte occidentale de l’île de Navarino, site historique qui fut l’un des plus grands établissements indigènes des canotiers Yamanas. En 1833, Charles Darwin avait accompagné le capitaine Fitz Roy lors de sa deuxième mission d’exploration hydrographiques et cartographiques à bord du HMS Beagle. Une stèle rappelle que naturaliste anglais allait trouver ici confirmation de sa théorie de l'évolution des espèces dans l'observation des Indiens. Pourtant, Darwin n’en a semble-t-il pas gardé de bons souvenirs. Dans son Journal, il évoque son séjour en Patagonie comme un voyage au pays de l’horreur et prétend y avoir vu le diable dans les yeux. Il décrit les Indiens du bout du monde qu’il découvre comme « des primates à peine élevés au-dessus du singe, le chaînon manquant entre l’homme et l’animal » !



Inauguré en décembre 1992, ce mémorial en hommage aux cap-horniers représente la silhouette d'un albatros. c'est l'oeuvre du sculpteur Ignacio Balcells Eyquem, poète et architecte chilien.


Reconnu comme réserve de biosphère par l'UNESCO en 2005, le parc national Cabo de Hornos est presqu'entièrement recouvert de tourbières dépourvues d'arbres et tapissées de formations végétales comprenant des graminées, des lichens et des mousses résistantes.


Stèle commémorative de l'Amicale Internationale des Capitaines au long cours cap-Horniers plantée sur les hauteurs du Cap Horn.


Les dangers de son franchissement - grosse mer, vagues scélérates, courant antarctique, voire icebergs - ont donné au cap Horn son caractère fantastique. Ainsi, on l'appelait le « cap dur », le « cap redouté » ou encore le « cap des tempêtes ».


Sur cette plaque de marbre sont gravés des vers de la poétesse chilienne Sara Vial :« Je suis l’albatros qui t’attend Au bout du monde. Je suis l’âme en peine des marins morts Qui ont doublé le cap Horn Depuis toutes les mers du globe. Mais tous n’ont pas péri Dans les vagues déchaînées, Aujourd’hui, ils volent sur mes ailes, Pour l’éternité, Dans une dernière étreinte Des vents antarctiques. »


Cet ex-voto aménagé dans une niche creusée à flanc de falaise du Cap Horn est dédié à la Vierge des marins.


Cette sculpture d'une queue de baleine plantée sur les quais du port de Punta Arenas rappelle que le Chili était le plus gros chasseur de baleines de l’hémisphère sud jusqu'à son interdiction en 1986.


Le Port de Punta Arenas (littérallement la Pointe des Sables) était, avant l'ouverture du canal de Panama en 1914, une halte importante pour la navigation entre les océans Atlantique et Pacifique. Ici, les navires étaient préparés pour le passage redouté du cap Horn.


Vue depuis la promenade de bord de mer. Située sur la côte est de la péninsule de Brunswick, Punta Arenas voit passer les bâtiments de commerce qui empruntent le détroit de Magellan.


Posté sur le front de mer de Punta Arenas, ce monument dédié aux membres de l'équipage de la goélette Ancud rappelle la prise de contrôle du détroit de Magellan par le Chili. L'œuvre symbolise le parcours des vingt-trois expéditions de cette goélette qui a jeté l'ancre à Puerto Hambre le 21 septembre 1843. Sur la proue sont représentés certains membres de l’expédition, dont le capitaine Juan Williams Wilson.


Pour débarquer dans la Baie d'Ainsworth, les zodiacs font la navette entre le Ventus Australis et la terre ferme. Au fond, le glacier Marinelli et la Cordillère Darwin.


Un des points les plus spectaculaires de la Patagonie, la Baie Ainsworth est un long fjord entouré de forêts primaires subpolaires et couronné par le glacier Marinelli, lequel s’écoule du champ de Glace Darwin.


Située dans le Parc National Alberto de Agostini, la baie d'Ainsworth se découvre par des sentiers qui mènent à des ruisseaux et des cascades, des murs de pierres couverts de mousses et des marais de tourbe.


"Fuégiennes fardées en guise de parure". Gravure d'après photographie pour illustrer l'expédition de 1885, une Année au Cap Horn, du docteur Hyades. Les Fuégiens étaient sept mille au XIXe siècle, six cent vers 1920. Aujourd’hui, il n’est reste plus.


Situé sur la grande île de la Terre de Feu, le glacier Marinelli trouve son origine au sein de la Cordillère Darwin et déverse ses glaces dans la baie Ainsworth. Il a été baptisé ainsi à la mémoire de Giovanni Marinelli, un géographe italien qui avait entrepris une monumentale étude du globe.


Les manchots de Magellan (Spheniscus magellanicus) sont une espèce de manchot de taille moyenne qui doit son nom à l'explorateur Ferdinand Magellan, qui a été le premier à l'observer lors d'une expédition en 1519. Ils nichent sur les Ilots Tuckers dans le détroit de Magellan.


Paresseusement alongés sur des rochers des îlots Turckers, ces otaries à crinière sont des mamifères marins qu'on appelle aussi otaries de Patagonie ou lions marins.


Ces Cormorans auxquels Magellan à également donné son nom se mettent à l'abri des prédateurs au creux des falaises des Ilots Tuckers dans le détroit de Magellan.


Le canal doit son nom au navire britannique HMS Beagle qui prit part à deux missions hydrographiques sur les côtes méridionales de l'Amérique du Sud au début du XIXe siècle. Au cours de la première mission, le capitaine Robert FitzRoy remplaça le commandant du navire qui s'était suicidé.


Navigable par de gros navires, le canal Beagle est relié au Pacifique par la passe de Darwin. Il mesure près de deux cent cinquante kilomètres de longueur. Dans le passage Mac-Kinlay entre l'île Navarino et l'île Gable, sa largeur ne dépasse pas un kilomètre et demi.


Protégé des vents du large, le Canal de Beagle offre souvent une mer calme.


L’un des plus spectaculaires de l'Avenue des glaciers est le glacier Garibaldi. Un immense vomissement blanc, impitoyable comme une coulée de lave. Depuis des millénaires, la montagne déverse ainsi un grand tapis blanc hérissé de cônes parfaits comme si la glace s’était moulée dans les entrailles de la terre.


Le glacier Pia qui dresse ses neiges splendides est entouré des chaines montagneuses de la Cordillère Darwin.


Dans les eaux où nagent les glaces, le Zodiac se frayent un chemin pour débarquer au pied des glaciers Pia et Garibaldi.


Les glaciers Pia et Garibaldi déversent leurs glaces dans les eaux du canal de Beagle.


Le glacier Romanche porte le nom du navire de la marine française La Romanche qui accomplit une mission scientifique au cap Horn (1882-1883) sous le commandement du capitaine Louis-Ferdinand Martial.


Le glacier Italia est situé dans le parc national Alberto de Agostini. Il s'épanche vers le sud-est, en direction du canal Beagle.


Reconstitution d'une hutte Yagan dans la baie Wulaia. Lorsqu’il navigue pour la première fois dans cette baie en 1930, le capitaine Fitz Roy ramène quatre Indiens Yagan en Angleterre pour tenter d’éduquer ces "créatures abjectes". Il baptise le plus jeune d'entre-eux "Jeremy Button" (14 ans) en raison du bouton de nacre contre lequel il fut échangé. A Londres, les Yagans deviennent des célèbrités et sont reçus par le roi Guillaume IV.


Dans la baie de Wulaia, on se sent vraiment au bout du monde. Une lumière australe changeante et contrastée ; des dépressions soudaines et brutales. Les quatre saisons en une seule journée.


Stèle commémorative fixée sur le mur d'un petit musée de la Baie Wulaia sur l'Ile Navarino. "Charles Darwin, 1809-1882, illustre naturaliste britannique, débarqua dans cette anse de Wulaia, au centre du territoire Yamana le 23 janvier 1833. Ses études au Chili entre 1832 et 1835, durant son voyage à bord du Beagle, contribuèrent à l'élaboration de ses idées scientifiques. En hommage à l'occasion du bicentenaire de sa naissance".


Dans cette ancienne maison abandonnée près de l'anse de débarquement de la baie de Wulaia, on a installé un charmant petit musée consacré à l'histoire des Indiens Yagans.


A quelques lieues du Cap Horn, face aux glaces de l’Antarctique, Ushuaia est la capitale du dernier triangle de terre avant le pôle. Une baie désolée, encerclée par les montagnes.


Le port d’Ushuaia en Argentine, la ville la plus australe de la planète, vit autrefois des voiliers du monde entier, chargés de blé ou de minerai venant de Californie ou de Valparaiso, en route pour l’autre côté du monde. Après le percement du canal de Panama, ce fut le retour de la torpeur hivernale puis la divine surprise de l'arrivée des touristes.


Une large fenêtre dans une cabine du Ventus Australis offre la sensation magique de surfer sur la mer.



 
Pour y aller
✔ Depuis Paris, Air France est la seule compagnie à proposer des vols directs pour Santiago du Chili ou Buenos Aires, www.airfrance.fr . Ensuite, liaisons intérieures à destination de Punta Arenas (Latam Airlines) ou de Buenos Aires (Aerolinas Argentinas).
✔ Australis, compagnie maritime sous pavillon chilien depuis plus de 25 ans, est la seule à avoir l’agrément des autorités chiliennes pour circuler dans les fjords de cette région protégée de la Terre de Feu et pour débarquer sur le Cap Horn. Croisière de 4 nuits selon le parcours entre Punta Arenas-Ushuaia ou vice versa à partir de 1 400 € en pension complète, excursions comprises www.australis.com
Plusieurs agences proposent cette croisière, associée souvent à d’autres circuits dans la région : Voyageurs du Monde, www.voyageursdumonde.fr et Visiteurs : www.visiteurs.fr


Le M/V Ventus Australis au mouillage dans les eaux du glacier Garibaldi.

Les quatre vérités
✔ Inauguré en 2018, le Ventus Australis a été spécialement conçu pour naviguer dans les canaux de Patagonie. Il compte une centaine de cabines avec chacune une large baie vitrée et une salle de bains. Une grande salle à manger, plusieurs salons et un vaste pont.


Cabine du M/V Ventus Australis.


La passerelle du M/V Ventus Autralis dans les eaux du canal de Beagle.

✔ Chaque traversée accueille quinze à vingt nationalités différentes. A bord, on parle anglais ou espagnol.
✔ Ces croisières d’expédition ont lieu chaque année de septembre à avril en raison des conditions météorologiques plus favorables. Pendant l'été austral, les températures oscillent entre 5 et 15 °C environ.
✔ Débarquements quotidiens en zodiac – parfaitement orchestrés par un équipage très compétent et efficace - pour explorer la nature, approcher les glaciers et parcourir la forêt fuégienne.


Débarquement en zodiac dans la baie d'Ainsworth.

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